Test Huawei Mate 30 Pro : un formidable smartphone, que personne ne devrait acheter

Nous y sommes. Presque trois mois après que Huawei a présenté ses Mate 30 et Mate 30 Pro, et au terme d'un haletant feuilleton géopolitique, le constructeur chinois s'est résolu à commercialiser son dernier flagship sur le Vieux Continent. Et la situation entre Washington et Pékin n'ayant pas évolué depuis, le smartphone de se retrouver totalement dépourvu des services et applications Google.

Un smartphone Android dénué de tout l'écosystème Google a-t-il la moindre chance de survie sur le marché ? Tout dépend de l'endroit où l'on se place pour poser cette question. En Chine, où Google n'a de toute façon pas droit de cité, cela ne change évidemment rien. En France, et plus globalement en Europe, il est difficile de tenir le même discours.

Il n'aura échappé à personne que le marché des smartphones est à ce jour très polarisé. Mais polarisé entre Apple et Android, ou entre Apple et Google ? Après plusieurs jours passés en compagnie du Huawei Mate 30 Pro, la réponse nous apparaît comme évidente. Pour une majorité d'utilisateurs, Google et Android ne sont qu'une seule et même entité. Et il ne faudra pas plus de 10 minutes à un n'importe quel utilisateur habituel d'Android pour entrevoir à quel point le système d'exploitation est à ce jour dépendant de l'empreinte Google.

Le présent test est finalement moins une mise à l'épreuve des caractéristiques techniques du téléphone (excellentes, personne n'en doute) que l'autopsie d'un smartphone mort-né. La chronique d'un beau gâchis, en d'autres termes.

Le Huawei Mate 30 Pro sera disponible en France le 9 décembre sur le store officiel Huawei uniquement, pour 1 099€.

Huawei Mate 30 Pro : la fiche technique

L'an passé, le Huawei Mate 20 Pro s'est fait le pionnier d'un certain nombre de tendances adoptées depuis par la grande majorité de l'industrie. Configuration triple APN, recharge bilatérale, capteur d'empreintes sous l'écran et reconnaissance faciale 3D sont autant de features qui ont depuis intégré l'argumentaire commercial des concurrents du constructeur chinois.

Aussi on pourra s'étonner que le Mate 30 Pro s'avance moins leader que suiveur cette année. Les innovations sont moindres (et discutables, nous y reviendrons), et l'essentiel de la fiche technique consiste finalement à une banale remise à niveau technique d'un smartphone haut de gamme.

Le Huawei Mate 30 Pro, c'est :

Écran : OLED de 6,53 pouces (18,5:9) affichant une définition de 2400 x 1179 pixels (409 ppi, HDR10, 60 Hz) et couvrant environ 94% de la surface avant

SoC : Kirin 990 (7 nm+) avec processeur octo-core (2x 2,86 GHz + 2x 2,09 GHz + 4x 1,86 GHz) et GPU Mali-G76

Mémoire vive : 8 Go

Stockage interne : 256 Go (extensible jusqu'à 512 Go via NanoMemory Card) UFS 3.0

Batterie : 4 500 mAh, recharge rapide jusqu'à 40 W en filaire et 27 W sans-fil.

Étanchéité : IP 68

Prise jack 3,5 mm : Non (adaptateur non inclus)

Appareils photo arrière : capteur 40 MP (ƒ/1,6) de 1/1,7" équivalent 26 mm + 40 MP (ƒ/1,8) de 1/1,54" ultra grand-angle équivalent 18 mm + 8 MP (ƒ/2,4) 1/4" téléobjectif équivalent à 80 mm + caméra 3D ToF

Vidéo : 2160p 60 ips, 1080p 30/60/120 ips ou 720p jusqu'à 7680 ips (ce n'est pas une erreur de frappe)

Appareil photo avant : 32 MP (ƒ/2,0) + caméra 3D ToF

Capteur d'empreintes : Oui, sous l'écran + Face ID

Recharge inversée : Oui

Double SIM : Non

Compatible 5G : Non

Connectivité : Wi-Fi 802.11 a/b/g/n/ac, Bluetooth 5.1, NFC

OS : Android 10 + EMUI 10

Coloris : Silver

Prix : 1 099€

Il faut avoir l'œil attentif pour dénicher la grosse nouveauté de ce modèle par rapport à son prédécesseur. Mais rassurez-vous, elle n'est pas à minorer. Huawei est en effet le premier constructeur à apporter autant de soin à son capteur photo ultra grand-angle, qui est non seulement de très belle taille (1/1,54") mais aussi très bien défini et lumineux (ƒ/1,8). Un aspect sur lequel nous reviendrons en détail dans la partie photo du test.

La boîte du Mate 30 Pro contient quant à elle le strict nécessaire. Un adaptateur secteur 40 W, un câble USB-C et une paire d'écouteurs filaires USB-C. Malheureusement pour les détenteurs d'un casque audio filaire, il faudra vous procurer un adaptateur USB-C vers jack 3,5 mm par vos propres moyens.

Un design renversant

S'étant assez honteusement « inspiré » du Galaxy S8 avec son Mate 20 Pro, Huawei a finalement trouvé sa patte esthétique au cours de l'année sur le P30 Pro. On pense d'abord à ces tranches supérieures et inférieures impeccablement plates, et à ces bords incurvés qui prennent toutefois ici une dimension tout à fait inédite.

Très légèrement plus grand que son prédécesseur avec ses dimensions de 158,1 x 73,1 x 8,8 mm (pour 196 grammes tout de même), le Mate 30 Pro brille surtout pour son écran qui s'étale véritablement de bord à bord.

Le « waterfall design » pour lequel a opté Huawei pour son écran est tout bonnement renversant. En main, toute impression de bordure noire s'efface là où la courbure tombe ; accentuant encore l'effet « écran total ». On n'en est pas encore au niveau du chimérique Xiaomi Mi Mix Alpha, mais on a assurément affaire au smartphone au plus grand taux d'occupation de l'écran qui soit passé entre nos doigts... Ce qui n'a pas que des avantages, nous y reviendrons.

Évidemment, le Mate 30 Pro est un smartphone à proscrire pour quiconque a des poussées d'urticaire à la simple évocation du mot « encoche ». Mesurant 2,5 cm, celle-ci abrite le capteur 3D ToF, l'appareil photo frontal de 32 mégapixels et le capteur de luminosité ambiante. Il faut lui concéder de se fondre harmonieusement dans la (très fine) bordure supérieure du téléphone. Mais cela ne sauvera pas le Mate 30 Pro dans l'estime des détracteurs de cette mode esthétique.

La partie basse de l'écran abrite le capteur d'empreintes qui a la bonne idée (contrairement aux modèles de chez Xiaomi ou Samsung, pour ne pas les citer) de fonctionner convenablement et rapidement.

La tranche basse fait quant à elle apparaître le tiroir de carte SIM / NM Card, le port USB-C et l'unique grille de haut-parleur du téléphone. Avouons qu'à ce niveau de prix, on aurait apprécié que la stéréo soit de mise. Néanmoins la configuration de l'écran empêche cela.

Dans la plus pure continuité de l'écran du Mate 30 Pro, les tranches latérales font dans l'économie de boutons. Un seul est d'ailleurs intégré au châssis, celui dédié à la mise sous tension. Toujours teinté de rouge, celui-ci est particulièrement tourné vers l'arrière du téléphone afin de ne pas gêner cet écran qui prend décidément ses aises.

Mais quid du volume ? Voilà un point intéressant. Pour pallier l'absence de réglette de volume, Huawei a décidé de leur substituer une solution software qui demande une certaine gymnastique d'exécution. Tapotez deux fois la bordure supérieure de l'écran (du côté que vous voulez) puis laissez appuyer votre doigt. Montez ensuite vers le haut ou vers le bas pour augmenter ou descendre le volume sonore.

Passé le petit effet waouh de la découverte, on est rapidement confronté aux limites de ce gadget. Comment faire lorsque vous écoutez de la musique, et que votre smartphone est rangé dans votre sac ou votre poche ? Comment faire pendant un appel ? Dans un cas comme dans l'autre, il vous faudra déverrouiller le Mate 30 Pro (et donc le saisir) pour pouvoir agir sur le volume... Pas vraiment user friendly cette affaire.

Pour terminer, on retrouve avec plaisir sur le dos de notre exemplaire ce revêtement « Hyper Optimal Pattern » qui avait été inauguré sur le Mate 20 Pro en version vert émeraude. Néanmoins, seule la version Gris Silver (et donc lisse) du Mate 30 Pro sera commercialisée en France. Dommage.

Pour ses modules photo, Huawei a opté pour une approche différente de l'an passé. Toujours disposé au milieu du téléphone, « l'ilot d'appareils photo » est désormais intégré à un cerclé, lui-même encerclé dans une partie en verre plus claire. Aucun doute : c'est bien plus réussi que sur le Mate 20 Pro. Nous validons également le choix de disposer les différentes mentions (Leica, Huawei, informations sur les optiques, etc...) à la verticale comme sur les P20 et P30.

Un écran impeccable, mais est-il encore dans le coup ?

Huawei déçoit rarement en matière d'écran. Les appareils haut de gamme du constructeur sont toujours dotés du nec plus ultra des dalles OLED, et ce Mate 30 Pro ne fait aucunement exception.

Plusieurs choses doivent cependant être notées à son objet. Contrairement au Mate 20 Pro, le Mate 30 Pro ne propose pas de définition QHD+ et se limite donc à du 2400 x 1176 pixels. La densité de pixels est elle aussi amoindrie, et passe de 538 ppp à 409 ppp sur ce nouveau modèle. En outre, à l'heure où d'innombrables concurrents ont déjà revu à la hausse la fréquence d'affichage de leurs terminaux, Huawei est-il encore dans le coup avec son écran limité à 60 Hz ? Le tout, en continuant d'afficher une épaisse encoche, de surcroît. De notre point de vue, il est évident que oui. L'iPhone 11 Pro ne fait pas différemment, et s'est malgré tout affirmé comme l'une des références les plus solides dernièrement en matière d'affichage.

Ceci étant dit, plongeons dans le vif du sujet. L'écran OLED du Mate 30 Pro est parmi les plus lumineux que nous ayons vus récemment. Capable de culminer à 680 cd/m2, il assurera une lisibilité optimale même en plein soleil. Son contraste est lui aussi excellent, et met judicieusement en valeur des couleurs très justement calibrées d'usine. Les plus pointilleux préféreront malgré tout opter pour le mode d'affichage Normal plutôt que Vif afin de couvrir harmonieusement tout le spectre colorimétrique sRGB.

Vous vous en doutez, lire avec un écran pareil est un vrai régal. Les courbes du châssis permettent d'ailleurs à ce support de s'effacer pour donner l'impression de tenir une page Web directement dans nos mains. D'un autre côté, cette énorme surface d'affichage est aussi à double tranchant.

En effet, lorsque vous essayez de prendre un selfie par exemple, il est difficile de tenir le smartphone sans laisser trainer un bout de doigt sur la bordure (donc l'écran) du téléphone. Autrement dit, le smartphone détecte qu'un doigt est déjà posé sur l'écran ; il vous est donc impossible d'accéder aux réglages en tapotant sur l'écran avec votre autre doigt tout en tenant le téléphone. Une imbécilité qui tend à prouver que Huawei s'est surtout contenté de faire du beau, à défaut de faire du pratique (et on en revient à cette histoire de volume qui n'est pas réglable écran éteint).

Toujours est-il que, selon votre seuil de tolérance à la chose, l'encoche du Mate 30 Pro s'efface assez rapidement lorsque vous regardez de la vidéo. Vous aurez d'ailleurs le choix de faire en sorte que votre contenu épouse parfaitement les bords de l'écran, ou de faire en sorte qu'il s'affiche en 16:9 dans un rectangle central, laissant ainsi apparaître des bordures noires de part et d'autre.

À quoi ressemble un smartphone Android sans Google ?

On arrive au cœur du sujet. Assurément, l'absence des services et applications Google sur ce Mate 30 Pro est une vraie gageure, et cela pour tout un tas de raison que nous allons détailler précisément ici.

Au premier lancement du smartphone, il vous sera proposé de configurer le Mate 30 Pro comme un nouveau téléphone, ou de copier les données et applications en provenance d'Android ou d'iOS. On comprend alors très vite que cette migration (qui utilise l'application Phone Clone) ne copiera que les applications disponibles sur App Gallery — le magasin d'application de Huawei.

« DIRECTION L'APP GALLERY OÙ, EN GUISE DE BIENVENUE, S'AFFICHE UNE PUBLICITÉ POUR UN JEU DE CATCH PENDANT 5 SECONDES »

Une fois la phase de configuration terminée, nous voilà bombardés sur un écran d'accueil tout ce qu'il y a de plus classique. Horloge en haut, météo en temps réel, rangées d'application et dock statique avec vos services préférés, panneau de notifications... Tout y est, et l'utilisateur habitué d'Android retrouvera ses marques sans aucun problème.

Seulement, il ne faudra pas plus de 3 minutes à quiconque pour se rendre compte que l'absence cumulée de Gmail, de YouTube, de Google Maps, de Chrome, (de Stadia) et plus généralement du Play Store s'en fait ressentir. Comment retrouver ses emails ? Ses contacts ?

À la recherche des applications perdues

Qu'à cela ne tienne, jouons le jeu. Direction donc l'App Gallery où, en guise de bienvenue, s'affiche une publicité pour un jeu de catch pendant 5 secondes. Ça commence bien.

Sur l'écran d'accueil de App Gallery, beaucoup de nouvelles têtes. La plupart des applications n'ont même pas été traduites, et s'affichent en chinois. Magnanime, Huawei nous propose d'emblée d'installer parmi les 20 applications les plus populaires de son store. On vous laisse savourer.

Pas démoralisé, je pars à la recherche de mes applications favorites. Spotify ? Nope. Telegram ? Non plus. Discord alors ? Encore raté. Aller, visons large : Instagram, Facebook, Twitter, Messenger, WhatsApp ? « Essaie encore », semble me répondre App Gallery, qui n'a visiblement jamais entendu parler de ces applications.

Sur mon jeu d'applications habituel, je n'ai pu trouver que Fortnite et Reddit dans les rayonnages de l'App Gallery. C'est peu, c'est même très peu, et cela veut donc dire qu'une énorme majorité des éventuels acheteurs français du Mate 30 Pro n'iront pas plus loin.

Soyons lucides cinq minutes. Qui, après avoir dépensé 1 099€ dans un smartphone, accepterait que le magasin d'application préinstallé et figurant en bonne place sur l'écran d'accueil ne soit pas en mesure de lui fournir les applications qu'il utilise au quotidien ?

L'utilisation d'un store alternatif

Android possède 82% des parts de marché du mobile en France. Combien, parmi ces utilisateurs savent que l'on peut installer un magasin d'application alternatif, voire télécharger et installer une par une les applications via des fichiers .APK ? Et quand bien même : est-ce souhaitable d'en être réduit à un tel bidouillage sur un smartphone — rappelons-le — payé plein pot ?

Qu'à cela ne tienne, je me suis lancé dans la pénible entreprise de restaurer toutes mes applications une par une en téléchargeant les .APK sur APKPure ou APKMirror. Très vite, la tâche s'est révélée harassante, et un autre élément important m'est alors apparu : chaque mise à jour d'application devra être faite manuellement, en téléchargeant de nouveau le fichier .APK dans sa dernière version. Ne pas le faire pourrait m'exposer à des risques de sécurité importants.

« EN D'AUTRES TERMES : ON N'EST JAMAIS SÛR QUE CE QU'ON INSTALLE EST OFFICIEL »

Alors je me suis rapidement tourné vers Aptoide, l'un des stores alternatifs les plus réputés sur Android. Depuis cette appli, j'ai été en mesure de télécharger bien plus confortablement mes applications préférées. Et l'outil intégré permet d'effectuer les mises à jour en lot. Enfin, je retrouvais le fonctionnement « normal » d'un smartphone Android.

Ai-je pu trouver tout ce dont j'avais besoin sur Aptoide ? Dans une majorité de cas, oui. J'ai pu remarquer que certaines applications n'étaient cependant pas encore proposées dans leur dernière version en date. Une question de temps, rien de plus. Ce qui me chiffonne davantage, c'est que les applications mises en ligne sur Aptoide (ou sur tout autre magasin alternatif) ne subissent pas (sinon aucune) batterie de tests pour assurer la sécurité des utilisateurs et de leur smartphone. En d'autres termes : on n'est jamais sûr que ce qu'on installe est officiel.

Sideloading des applications Google

Histoire d'être exhaustif dans ma démarche, je me suis donc mis en quête d'un moyen de mettre un terme à ce calvaire et donc de sideloader (autrement dit d'installer en loucedé) les applications et services Google sur le Mate 30 Pro.

Peu après la sortie officielle du smartphone, en septembre dernier, de nombreux médias se sont fait le relai d'une méthode permettant le sideloading des GApps et de GMS. La plus populaire, adoubée à demi-mot par Huawei, impliquait un obscur site chinois baptisé LZplay.net qui, en deux trois clics, permettait de contourner les blocages et de retrouver un smartphone Android comme on les aime. Le site depuis fermé, il a fallu se mettre en quête d'une autre façon de faire.

« JAMAIS, DANS L'HYPOTHÈSE OÙ J'AVAIS EFFECTIVEMENT ACHETÉ UN MATE 30 PRO, JE NE ME SERAIS LANCÉ DANS UNE TELLE DÉMARCHE »

Après quelques recherches, j'ai appris que la seule façon de sideloader Google sur le Mate 30 était de — tenez-vous bien — restaurer la sauvegarde d'un utilisateur étant parvenu à utiliser LZplay pour installer les services Google. Je résume : installer la sauvegarde d'un parfait inconnu, publiée en clair sur Google Drive, qui lui-même a installé les applications et services Google depuis un site chinois dont personne n'a jamais entendu parler. Non, définitivement, ça sent très très bon cette affaire. À ce stade, je tiens à préciser une chose : jamais, dans l'hypothèse où j'avais effectivement acheté un Mate 30 Pro, je ne me serais lancé dans une telle démarche. Je pense avoir suffisamment mis l'accent sur les risques évidents de sécurité que ce bidouillage implique pour l'utilisateur lambda. Sans même parler du fait que celui-ci implique probablement une rupture avec les conditions d'utilisation de Huawei et donc une annulation de toute garantie en cas de problème.

J'ai donc suivi ce tutoriel pour installer les GMS et GApps sur mon exemplaire du Mate 30 Pro. Et si j'ai pu trouver le concept initial déjà louche, la suite de la procédure ne m'a pas rassuré davantage. Quoi qu'il en soit, 13 minutes plus tard, j'ai pu me connecter à mon compte Google, me servir de Google Play Store et retrouver l'intégralité des applications qui me manquaient jusqu'à présent.

De la dépendance à Google

Je me suis déjà bien étalé sur l'état actuel des choses concernant le Mate 30 Pro. Mais je dois encore insister sur un point : parvenir (à ses risques et périls) à installer les services Google sur le smartphone ne garantit en rien que les applications et services que vous téléchargerez sur le Play Store seront fonctionnels.

« IL EST IMPOSSIBLE DE SE SERVIR DE NETFLIX SUR LE MATE 30 PRO »

La dépendance d'Android à Google va en réalité plus loin qu'une poignée d'applications. Autant l'écrire : il est impossible de se servir de Netflix sur le Mate 30 Pro. Même constat sur Canal Play. La raison ? Widevine, ce DRM déterminant le niveau de sécurité d'un appareil et donc la possibilité de lire des contenus vidéo qui pourraient être piratés est délivré par Google. Inutile de préciser que Google n'a pas eu son mot à dire ici, et le Mate 30 Pro est donc privé de vidéo en HD.

Ici encore, il existe une façon de détourner le blocage et de profiter malgré tout de Netflix. Comment ? En se procurant et en installant la version 4.1.6 de Netflix. Version datant de mai 2017.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin dans l'explication. Aussi excellent soit-il (et cela se confirmera dans les chapitres suivants du test), le Mate 30 Pro n'est pas un smartphone adapté aux usages de 82% des utilisateurs de smartphone en France. Pour cette raison, et pour cette raison uniquement, il est strictement impossible de recommander son achat aujourd'hui.

La situation peut-elle se débloquer ? Bien entendu. Huawei a lui-même concédé qu'en cas de levée des sanctions américaines, il serait en mesure de déployer les applications et services Google « en une nuit » via une mise à jour.

Une autre hypothèse est que Huawei parvienne à mettre sur pied une alternative solide à Android, qui viendrait donc segmenter un marché — on l'a dit — très polarisé. Mais il lui faudra pour cela compter sur le soutien des développeurs pour venir garnir son magasin d'applications. Ce qui, à en juger par l'état actuel de App Gallery, est loin d'être gagné.

Un déchaînement de puissance rare

Ce chapitre désormais refermé, revenons à une analyse plus prosaïque de ce que le Mate 30 Pro a à nous proposer. Carburant au Kirin 990, le flagship de Huawei doit se montrer à la hauteur d'une concurrence très rude sur le haut de gamme — dominée par Qualcomm et son Snapdragon 855+ du côté d'Android, et du Apple A13 Bionic pour iOS.

Si le Kirin 980 privilégiait davantage l'économie d'énergie à la puissance brute, son successeur appuie un grand coup sur l'accélérateur et vient affoler les compteurs de nos benchmarks. En cela, le Kirin 990 surpasse de très loin les performances du Snapdragon 855+.

Sur AnTuTu Benchmark, le Mate 30 Pro obtient 452 913 points. On peut même pousser à 477 742 points lorsque l'on active le mode performances tirant pleinement parti des deux cœurs les plus véloces du processeur.

Geekbench 4 et 5 nous confirment que l'on est bien sur un smartphone haut de gamme, et accordent respectivement 3 841 / 11 650 points et 760 / 2 760 points en single et multi-core.

Fort d'une mémoire flash en UFS 3.0, le Mate 30 Pro affiche des débits en lecture phénoménaux. D'après nos tests, il s'agit ni plus ni moins des meilleurs débits jamais calculés sur un smartphone avec 1 795,36 Mb/s en lecture, et 398,02 Mb/s en écriture. Du côté GPU, la puce Mali G-76 M16 fait à peine moins bien que le Adreno 640 équipant le Asus ROG Phone II, tout en assurant des performances graphiques tout à fait explosives.

ll faut bien se rendre à l'évidence : le Huawei Mate 30 Pro est le smartphone le plus rapide que nous ayons jamais testé. Le petit dernier du constructeur chinois surpasse même l'iPhone 11 et sa puce A13 qui, on le sait, est annuellement un exemple de puissance.

De quoi rendre encore plus dommageable l'état de convalescence auquel se destine malheureusement le smartphone. Il va sans dire qu'aucune application ne lui résiste, et que ses 8 Go de RAM s'avèrent bien suffisants pour gérer le multitâche d'une main de maître.

Petit recul sur l'autonomie

L'an dernier, le Mate 20 Pro affichait une autonomie totale de 52h pour plus de 7 h d'affichage continu. À ce jour, il reste d'ailleurs probablement le smartphone très haut de gamme le plus endurant du marché.

Mais comme nous l'avons vu plus haut, Huawei a semble-t-il changé de philosophie et inversé le rapport puissance-autonomie de son SoC. Autrement dit : l'autonomie du Mate 30 Pro est en recul par rapport à la génération précédente. Au point d'en être alarmant ? Nous n'en sommes pas là.

Notre exemplaire de test avait déchargé sa batterie de 4 500 mAh au terme de 26 h pour un peu moins de 7 h de temps d'écran. On pourrait résumer en disant que l'autonomie du Mate 30 a été divisée par deux en un an. Cela a beau sonner de façon alarmante, il n'y a pas de raison de s'inquiéter : le smartphone est parfaitement capable de tenir une journée et demie sans avoir à être rechargé.

De plus, Huawei a déjà prouvé sa bonne foi en matière de recharge rapide. Aussi le Mate 30 Pro est capable de regagner 70% d'autonomie en 30 minutes seulement. Une recharge complète prendra quand à elle environ 1 h.

Le meilleur de la photophonie

On touche à la fin de ce très long test. Mais avant de poser un point final sur ce drôle d'objet d'étude, il convient de nous pencher en profondeur sur la partie photo du Mate 30 Pro.

On le sait, la gamme Mate est à l'origine davantage tournée sur l'innovation, quand la gamme P est entièrement dévolue à renforcer l'excellence photographique du constructeur. Heureusement, les progrès de l'un se retrouvent dans l'autre, et résultent en un produit terriblement efficace sur les deux aspects.

Le Mate 30 Pro hérite alors du filtre RYYB (contre RGGB) du P30 Pro sur son capteur principal de 40 mégapixels. En d'autres termes, il est très capable en basse luminosité, comme nous pourrons le voir plus bas.

Dans les faits, les clichés produits par le Mate 30 Pro sont impeccables de finesse et de précision. Via le module standard (très large, de 1/1,7 pouce), les photos ressortent parfaitement détaillées.

Les couleurs sont riches et précises, et les excès de traitement que nous avions pu noter dans notre test du Mate 20 Pro nous apparaissent désormais comme un lointain souvenir. Huawei sublime harmonieusement ce qui se présente sous son capteur, et donne d'ailleurs des résultats plus naturels que ceux d'un Pixel 4 XL.

Sans surprise, les capacités HDR du Mate 30 Pro sont tout bonnement excellentes. Même dans des endroits au contraste fort, les zones les plus sombres de l'image sont correctement exposées et les détails restent visibles sans traitement additionnel. Du beau travail autant hardware que software.

Passons à l'autre star du trio : le module ultra grand-angle. S'il compte lui aussi 40 mégapixels au compteur, ce capteur se dote d'un filtre classique en RGB, et capte ainsi moins de lumière que le module standard. N'en déplaise, le capteur a pourtant le culot d'être le plus grand du trio (1/1,53 pouce) et compense ainsi ce léger désavantage au départ.

L'objectif ? Que les photos prises au module ultra grand-angle soient aussi belles et réussies que celles à la focale standard. Pari réussi ? Pour ce qui est du niveau de détails et du piqué, assurément. On remarque néanmoins une certaine tendance à rougir les teintes, et donc à produire des couleurs moins réalistes.

On se réjouit malgré tout de la très faible diffraction dans les angles de l'image. Le bruit numérique est quasi absent d'une grande majorité de prises de vue, ce qui n'arrive presque jamais sur un smartphone. Bref : une belle surprise.

Il faut néanmoins rendre à César ce qui appartient à César. Côté zoom, le Mate 30 Pro n'est pas à la hauteur de l'illustre P30 Pro. Il faut dire que ce dernier se dotait d'un téléobjectif périscopique permettant d'atteindre l'improbable focale de 1 300 mm en zoom numérique.

Le Mate 30 Pro est plus raisonnable, et peut grimper jusqu'à un zoom numérique 30x tout en produisant des images vaguement exploitables grâce à une bonne stabilisation optique. On préférera pourtant s'arrêter au zoom hybride 10x, qui donne à voir un bel équilibre entre détails et longueur focale.

Je dois d'ailleurs confesser une petite préférence pour le mode zoom 3x qui, selon moi, permet de très jolies prises de vue avec une focale équivalente à 80 mm sur un reflex plein format.

Doté comme l'était le P30 Pro d'un module 3D ToF, le Mate 30 Pro est logiquement très à l'aise en matière de portrait. Et ce à l'avant comme à l'arrière. Le détourage est très doux et ne semble pas laisser passer la moindre erreur, même parmi les cheveux qui commencent à se faire nombreux sur mon crâne.

Tous les portraits ne se valent pourtant pas. Le Mate 30 Pro sera à la peine en contrejour (on ne lui facilite pas la tâche), et certains types de bokeh ne font pas honneur et laissent apparaître les rouages de la génération numérique de flou.

La nuit est le terrain de jeu privilégié du Mate 30 Pro. La matrice RYYB de son capteur principal le rend tellement efficace en basse luminosité qu'il rend l'utilisation du mode nuit superflu dans une majorité de cas. Le smartphone vous demandera bien entendu de garder la pose pendant quelques secondes afin de cumuler les prises de vue, mais le résultat sera largement à la hauteur de vos attentes.

Notez que, même avec un filtre RGGB classique, le mode ultra grand-angle est lui aussi capable du meilleur en basse luminosité et de nuit. En intérieur comme en extérieur, le module fait montre d'une grande polyvalence et achève de nous convaincre que le Mate 30 Pro représente à ce jour le meilleur de Huawei en matière de photo. Une impression confirmée par le couronnement du smartphone au premier rang du classement DxOMark, ex aequo selon le site spécialisé avec le récent Xiaomi Mi Note 10.

Enfin, le Mate 30 Pro n'est certainement pas en reste du côté de la vidéo. Bien entendu capable de filmer en 4K à 60 images par seconde, le smartphone s'illustre par une stabilisation optique aux petits oignons, ainsi que la surprenante capacité à filmer (en 720p très cracra) jusqu'à 7680 images par seconde. De quoi donner vie à des ralentis tout à fait surprenants.

Huawei Mate 30 Pro : l'avis de Clubic

On arrive au terme de ce test avec un profond sentiment d'injustice. Ni Huawei, ni Google ne sont responsables de cette guerre commerciale qui empêche le Mate 30 Pro de prendre véritablement son envol. Aussi nous retrouvons-nous dans une posture délicate : louer les prouesses techniques d'un excellent smartphone, ou fustiger l'absence de ce qui fait tout le sel de l'expérience Android ?

En l'état actuel des choses, nous ne pouvons faire autre chose que de chaudement déconseiller l'achat du Mate 30 Pro. Il serait irresponsable d'émettre un jugement différent. À moins, bien entendu, de s'adresser à un utilisateur confirmé qui désire par-dessus tout s'affranchir de l'écosystème Google sans pour autant passer à iOS.

Frustrant de perfection, le Mate 30 Pro est un objet luxueux et très bien conçu - même si pas dépourvu de quelques idioties privilégiant l'esthétique au confort d'utilisation. Il est non seulement parmi les smartphones les plus puissants du marché, il est aussi le plus impeccablement versatile en matière de photographie. Seulement, il n'est tout simplement pas taillé pour le marché occidental, et l'absence criante des applications et services Google est trop rapidement remplacée par la dangereuse envie de les installer par un moyen détourné qui, on l'a vu, semble être une vraie porte ouverte à des malwares en tout genre.

Nous ne sommes pas à l'abri d'une résolution heureuse pour Huawei qui sera peut-être un jour autorisé à revenir dans le rang. Mais pour l'heure, le Mate 30 Pro est un smartphone que personne ne devrait se procurer.

Huawei Mate 30 Pro

Les plus

+ Esthétiquement superbe

+ Un écran renversant...

+ Le smartphone Android le plus puissant de l''année

+ Des photos sublimes

+ Une recharge incroyablement rapide

Les moins

- Dépourvu des applications et services Google

- ... mais parfois peu praticable

- App Gallery incomplète, et c''est un euphémisme

- Volume réglable uniquement via le software

- Autonomie en baisse par rapport au Mate 20 Pro