L’improbable histoire du premier hack de l’Histoire

Grâce à sa tonalité particulière, le jouet permettait de passer des appels longues distances gratuitement. Son histoire est liée à celle des phreakers américains, les premiers pirates téléphoniques. On vous explique.

Accéder au réseau téléphonique gratuitement, à l’aide d’un simple sifflet pour enfant. Cette astuce vous semble trop belle pour être vraie ? Elle constitue pourtant la légende des premiers hacks téléphoniques de l’histoire.

Nous sommes à la fin des années 1960 aux États-Unis et l’informaticien John Draper découvre comment accéder aux lignes téléphoniques longues distances gratuitement. Il se sert pour cela d’un sifflet distribué dans les boîtes de céréales Cap’n Crunch. En effet, le jouet a une tonalité de 2 600 Hz, la même que celle utilisée par certaines compagnies téléphoniques.

A cette époque, les grandes corporations téléphoniques utilisaient un système de tonalités pour envoyer les appels sur les différents points du réseau. Mais les intonations étaient jouées sur le même canal que la voix, permettant à certains génies des technologies, comme John Draper, d’exploiter cette faille. Imiter une tonalité en début d’appel permettait donc un accès quasi-illimité au réseau téléphonique.

Cette découverte a construit la légende d’un des premiers hacks de l’histoire et développer un mouvement, le phreaking. En anglais, le mot est une contraction de “phone”, téléphone, et de “freak”, marginal. Ainsi, un réseau de marginaux du téléphones, ou phreakers, s’est développé dans les années 70-80 aux États-Unis. John Draper prendra d’ailleurs le surnom de Captain Crunch, en rapport avec la marque de céréales dont provient le sifflet.

Le développement des Blue Box
Dans les faits, l’informaticien aurait découvert l’usage détourné du sifflet auprès d’autres phreakers. Sur son blog personnel, fermé depuis mais accessible en archive, Captain Crunch raconte avoir eu vent de cette possibilité en 1969 auprès de Denny, un adolescent aveugle passionné de radio et trois de ses amis, dont Jimmy.

“Après cela, jimmy jouait des paires d’accords de notes qui sonnaient exactement ce que j’avais l’habitude d’entendre lors de longs appels distants. J’ai entendu une sonnerie et mon ami a répondu. OUAH! Ça a marché. Ça m’a époustouflé…”, a ainsi relaté John Draper.

Un information qu’il confirme dans le documentaire “Pir@tage”, diffusé sur la chaîne française France 4 en 2011. Il y explique avoir été contacté à l’époque par un “phreaker”, alors qu’il effectuait des tests sur un émetteur radio. Ce dernier, “un gars qui avait l’air d’être un DJ”, lui aurait appris à téléphoner gratuitement en émettant simplement des tonalités particulières dans le téléphone.

Après ces révélations, John Draper, alors âgé de 17 ans, a construit une boîte électronique capable de reproduire ces différentes tonalités. Cet appareil, appelé Blue Box, a notamment permis aux phreakers d’utiliser le réseau téléphonique gratuitement et même de créer des espaces de “conférences”, dans lesquels ils pouvaient discuter tous ensemble.

En 1971, un article d’Esquire Magazine sur le sujet a fait éclater au grand jour l’histoire de ces phreakers. A la suite de la publication, John Draper a été condamné pour fraude par les autorités américaines. Mais il a également attiré l’attention de Steve Wozniak, le cofondateur d’Apple.

Pour rappel, Steve Jobs et “Woz” ont eux-mêmes fabriqué et vendu des Blue Box avant de créer la célèbre marque à la pomme en 1976. John Draper travaillera chez Apple l’année suivante. Sa mission : créer un lien entre l’ordinateur Apple II et les lignes téléphoniques.