Des chercheurs sont parvenus à créer une nouvelle dimension

Des physiciens ont réussi à créer une phase de matière totalement nouvelle. Cette dernière semble avoir deux dimensions temporelles.

Les chercheurs ont exposé leurs conclusions dans un article publié le 20 juillet dans la revue Nature. À la base de l’expérience, le but des physiciens était de créer une nouvelle phase de la matière. Autrement dit, une nouvelle forme sous laquelle la matière peut exister, au-delà des formes standard solide, liquide, gazeuse et plasmique.

La création d’une phase de matière dotée d’une dimension temporelle supplémentaire théorique et la découverte d’une méthode permettant un meilleur stockage des données quantiques n’étaient donc pas au programme. Et pourtant.

Le point sur les qubits
Les scientifiques ont d’abord entrepris de construire une nouvelle phase dans le processeur quantique H1 de la société Quantinuum. Celui-ci se compose de 10 ions d’ytterbium, placés dans une chambre à vide et contrôlés avec précision par des lasers dans un dispositif appelé “piège à ions”. Autrement dit, la phase de la matière découverte est le fruit d’une impulsion laser de type Fibonacci, envoyée à des atomes à l’intérieur d’un ordinateur quantique. Pour comprendre, revenons sur certains points.

Pour former la base de tous les calculs, les ordinateurs grands publics utilisent des bits, donc des 0 et des 1. Les ordinateurs quantiques, eux, optent pour des qubits. Ces derniers peuvent se lier entre eux par l’intrication quantique. Il s’agit du processus qu’Albert Einstein appelle “action étrange à distance”. L’intrication de deux qubits ou plus les uns aux autres, permet de relier leurs propriétés. Ainsi, tout changement dans une particule entraîne un changement dans l’autre, et ce, même si elles sont séparées par de grandes distances. Les ordinateurs quantiques possèdent donc la capacité d’effectuer plusieurs calculs simultanément et disposent d’une puissance de traitement énorme par rapport à celle des appareils classiques. Pour en savoir plus, nous avons déjà exploré le sujet dans plusieurs articles.

Comprendre le phénomène de décohérence
L’un des principaux défauts de ces qubits, réside dans le fait qu’ils ne peuvent pas être parfaitement isolés de l’environnement extérieur à l’ordinateur quantique. Ils sont donc obligés d’interagir avec ce dernier, ce qui a pour effet de leur fait perdre leurs propriétés quantiques, explique livescience.com.

Dans la physique quantique, une particule peut se retrouver dans une superposition d’états. Mais si on place ces particules superposées dans un environnement qui n’est pas vide, elles vont commencer à interagir avec tous les éléments qui les entourent. Ce qui va entraîner un phénomène quantique qui va, peu à peu, effacer sa superposition. On appelle cet effet la décohérence, qui rend indétectable la superposition quantique de la particule, qui perd donc ses propriétés quantiques d’origine. Plus la particule entre en contact avec d’autres éléments, plus la décohérence est rapide. C’est pourquoi il n’est possible d’étudier les phénomènes quantiques qu’en laboratoires. Comme la technologie de ces lieux peut ralentir la décohérence, les erreurs qui s’introduisent dans les calculs sont moins fréquentes. Nous allons voir que la nouvelle phase de matière que présentent les scientifiques possède des propriétés semblables.

Une nouvelle dimension pour déjouer la décohérence
Afin de contourner ces effets de décohérence, les physiciens se sont tournés vers un ensemble spécial de phases appelées “phases topologiques”. Un qubit “topologique” est capable de coder l’information dans la forme formée par de multiples parties plutôt que dans une seule partie. La phase est donc beaucoup moins susceptible de perdre son information. “Dans ce travail, nous démontrons une phase topologique dynamique émergente protégée par symétrie, dans un réseau quasi-périodique de dix qubits hyperfins 171Yb+ dans le processeur quantique à ions piégés H1 de Quantinuum”, écrivent les scientifiques. Traduction.

La symétrie physique est le concept selon lequel les lois de la physique sont les mêmes pour un objet en tout point du temps ou de l’espace. La création d’une nouvelle phase topologique à l’intérieur d’un ordinateur quantique repose sur la rupture de cette symétrie, dans cette nouvelle phase. La symétrie ne sera pas rompue dans l’espace, comme lorsque l’eau passe de l’état liquide à gazeux, mais dans le temps. L’inclusion d’une dimension temporelle théorique supplémentaire “est une façon complètement différente de penser aux phases de la matière”, explique l’auteur principal, Philipp Dumitrescu, chercheur au Center for Computational Quantum Physics du Flatiron Institute à New York dans un communiqué.

Un laser comme baguette magique
Les scientifiques sont parvenus à ce résultat grâce à une impulsion laser de Fibonacci sur des atomes, à l’intérieur d’un ordinateur quantique. Ce qui a permis de créer une phase de matière totalement nouvelle et étrange, qui se comporte comme si elle avait deux dimensions temporelles.

Cette nouvelle phase de la matière permet aux scientifiques de stocker des informations d’une manière beaucoup plus protégée contre les erreurs. Ce qui ouvre la voie à des ordinateurs quantiques capables de conserver des données pendant une longue période sans se déformer. “Nos travaux ouvrent la voie à la mise en œuvre d’ordres topologiques dynamiques plus complexes, qui permettraient une manipulation résistante aux erreurs de l’information quantique”, conclut l’article.