L’héritage numérique, les données après la mort

C’est une question qui est encore trop peu abordée dans les familles mais qui fait déjà grand débat chez les notaires : qu’advient-il des données numériques d’un défunt? Pour éviter de créer un débat sur leur gestion, la meilleure chose à faire est de s’en soucier dès aujourd’hui.

Pour assurer sa “mort numérique”, il faut évidemment se préparer de son vivant. L’héritage n’est pas qu’une question de biens, cela concerne également des choses aussi immatérielles que nos comptes en ligne. D’où l’importance de réfléchir à ce qu’on veut transmettre ou non à ses héritiers.

“Comment savoir quelle aurait été la volonté du défunt sur son compte Facebook?“, s’interroge Jean-François Henrotte, avocat associé de Lexing, un cabinet spécialisé dans la transmission du patrimoine numérique. “Il y a des familles qui ferment le compte Facebook, il y a des familles qui continuent à le faire vivre comme s’il était toujours vivant. Ça fait partie des choses qu’on doit pouvoir régler, tout comme on doit régler la question du mot de passe pour tous ces comptes.”

Néanmoins, tout ne peut pas être transmis en totale liberté. “Il y a souvent des dispositions contractuelles qui s’y opposent. Si on prend l’exemple d’iTunes, le droit est personnel et s’éteint avec vous“, précise l’avocat. Impossible, donc, de transmettre une bibliothèque de titres malgré l’argent que vous y aurez investi.

Un compte transmis à un héritier ne lui confère pas plus de droits que n’en avait son défunt propriétaire. Autrement dit, si les documents contenus par un site d’hébergement n’appartiennent pas au titulaire d’un compte, il en sera de même pour son héritier.

Les services en ligne prennent les devants

À notre mort, de nombreuses données et documents en ligne continuent d’exister. Conscients de cette problématique, de nombreux services sur le Web et réseaux sociaux ont mis en place un système de transmission des comptes ou de leur contenu.

Dans certains cas, les fournisseurs de services désactivent simplement le compte pour inactivité. C’est notamment le cas de Dropbox qui cesse d’assurer le fonctionnement après une période d’un an sans la moindre activité sur un compte.

Dans d’autres situations, la vie des données se poursuit sur le cloud. Prenons le cas de Facebook : le compte d’un utilisateur est transformé en compte commémoratif aussitôt que la plateforme est informée de son décès. Le contenu du compte est alors complètement verrouillé.

Depuis le 1er février 2016, une fonctionnalité permet de donner accès à son compte commémoratif Facebook à un “contact légataire” désigné au préalable. Celui-ci pourra alors supprimer le compte ou, au contraire, le gérer en épinglant une publication ou en modifiant les photos de profil et de couverture du défunt.

Google a pris les choses en main assez tôt. En 2013, le géant du web lançait déjà un gestionnaire de compte inactif. L’outil permet à son utilisateur de définir quand son compte doit être considéré comme inactif (au bout d’une période de 3, 6, 12, ou 18 mois), ce qui peut être partagé, à qui et même de rédiger un texte à destination des personnes de contact. Le message final se présente à peu près sous cette forme :

En grand défenseur de la vie privée, Apple bloque totalement l’accès au compte iCloud d’un utilisateur mort. Résultat : pour récupérer des photos, des vidéos ou des documents sur les serveurs de la Pomme, il faut impérativement disposer de ses identifiants. La firme se refuse à les transmettre aux proches. Un Américain veuf a pu faire une entorse au règlement en obtenant une ordonnance d’un tribunal new-yorkais sommant Apple de réinitialiser le mot de passe du défunt.

Microsoft permet quant à lui de supprimer le compte d’un utilisateur qui a perdu la vie ou d’en récupérer le contenu – mails, carnet d’adresses, liste de contacts et pièces jointes – au travers du “processus pour le plus proche parent”. En revanche, la firme ne fournit pas les identifiants du défunt.

Et quand de l’argent est en jeu?

En ce qui concerne Amazon, le site de commerce en ligne ferme tout simplement le compte d’un utilisateur décédé après avoir été informé de sa mort, sans autre forme de procès. Se pose alors la question du devenir de l’argent injecté sur un compte : un héritier peut-il en disposer avant sa clôture?

Le service de paiement en ligne PayPal permet de récupérer les crédits d’une personne, à condition de savoir prouver un lien de parenté.

Quelle que soit votre décision au sujet de votre patrimoine numérique, la meilleure chose à faire est de désigner un exécuteur testamentaire, une personne de confiance qui se chargera de respecter vos dernières volontés. C’est à elle qu’il conviendra de laisser vos identifiants et mots de passe afin qu’ils soient transmis ou non à vos héritiers.